« Bonjour
Monsieur, commissariat du ème arrondissement à Paris, je vous appelle dans le
cadre d’une affaire de trafic de stupéfiants, votre numéro de téléphone ressort
de nos investigations. Si vous pouviez nous rappeler rapidement. Merci monsieur,
au revoir. »
![]() |
MARTIN BUREAU - AFP
|
Je
sais pas vous mais perso, recevoir ce genre de message vocal sur ma messagerie,
ça a le don de m’angoisser légèrement. Dans ces moments là, c’est marrant de
constater à quel point le temps peut s’arrêter. Pendant que j’écoutais cette
grosse voix virile me débiter ces quelques mots, tout défilait dans ma tête.
C’est comme si j’avais passé au crible tous mes faits et gestes de ces trois
dernières années en à peine quelques secondes. J’ai rapidement réalisé qu’il ne
pouvait s’agir que d’une seule chose, après tout, je ne suis pas impliqué dans
50 affaires illégales, c'est simple : mon dealer a du se faire serrer.
La
panique monte soudainement. Comment, moi, gentil petit étudiant à qui on
accorderait le bon Dieu sans confession, je me retrouve à avoir un message sur
ma boite vocal d’un flic me demandant de me rendre au comico pour une
« affaire de trafics de stupéfiants » ? Ça paraît presque incroyable.
Mon premier reflex est d’appeler Camille, une amie proche qui se fournit
également auprès de mon dealer.
-
Ouais, dis-moi, t’as pas reçu un appel
chelou ?
-
Si, si… Je t’ai envoyé un message sur
Facebook.
Camille est aussi convoquée au
commissariat. Cette fois, le doute n’est plus possible, notre dealer s’est tout
simplement fait péter par les keufs. Après avoir raccroché avec Camille, qui
n’aura pas manqué de me rassurer quant à la suite des évènements, je me décide
à rappeler le commissariat. J’ai rendez-vous à 14h30.
Une fois là-bas, je passe la
porte d’entrée qui mène dans un sas de sécurité avec une porte blindée. Devant
moi se tient un jeune lascar qui me regarde de haut. Étant complètement paumé
dans ce sas de 3m2, je lui demande s’il sait comment entrer en contact avec les
poulets. Il m’indique, nonchalamment, l’interphone situé à côté de la porte blindée.
On nous fait alors entrer dans l’enceinte du commissariat quelques instants plus tard.
À l’intérieur, une toute
petite salle, à peine plus grande qu’un salon haussmannien, ridicule pour un
commissariat. Des gens parlent, des femmes cherchent leurs sacs à main de façon
à pouvoir partir, d’autres fument leurs clopes dans une espèce de petite cour
et les écrasent dans des cendriers trop pleins, quand d’autres encore, en tenue
de civil, se préparent à partir en week end. J’observe tout ce petit monde
vivre sous mes yeux. J'entends qu'une maîtresse s'est fait agresser par une parent d'élève (ça n'arrive pas que dans les films en fait) et qu'on prépare le lascar que j'ai vu dans le sas à passer une série de test. Quand soudain, une des fumeuses revient de la cour
intérieure et m’adresse un « Monsieur, vous venez avec moi ?! »,
à mi-chemin entre l’ordre et l’interro… et l’ordre en fait.
Passé la porte « interdit
au pubic », je constate que les bureaux sont nombreux et les employés
aussi. Une quarantaine de policiers, au moins. Au moment de pénétrer dans ce
que j’appelle la salle d’interrogatoire (il ne s’agit en fait que d’un bureau,
deux dans le cas présent, avec une fenêtre, des ordinateurs et des collègues
allant et venant), je constate que Camille est aussi présente dans le bureau.
On fait semblant de ne pas se connaître. J’entends ses réponses aux questions,
elle entend les miennes.
L’interrogatoire commence.
Pour vous faire une idée, l’ambiance, c’est une ambiance 100% Polisse pour ceux
qu’ont vu le film. Tant au niveau du décor que des flics d’ailleurs. La flic,
environ la trentaine, voix grave de fumeuse, cheveux longs bruns avec un petit
piercing diams au nez, commence avec des questions portant sur ma consommation
personnelle : « depuis combien
de temps tu fumes ? À quelle fréquence ? Tu te considères comme étant
dépendant ? Qu’est-ce que tu fumes ?... » Puis petit à petit
les questions dérivent vers le principal intéressé « tu te fournis auprès de qui ? C’est toi qui le contact ou
c’est lui ? Tu lui prends quoi ? Tu te fournis qu’avec lui ou avec
d’autres mecs ? »
Plus les questions défilent,
plus on me demande d’être précis.
« Est-ce que t’as déjà branché tes potes avec lui ? » Oui,
Camille, qui était présente dans votre bureau il y a à peine 5 minutes et que
j’ai déclaré ne pas connaître il y a 2
minutes. Je ne pouvais pas dire ça, ça allait remettre en cause tout mon
témoignage et j’avais déjà bien d’autres choses à faire. Alors, « non ». On me sort une planche avec
plusieurs photos, il apparaît sur l’une des six. Je montre celle où il apparaît, la numéro cinq, avec la terrible
sensation d’être le plus gros vendu de la terre.
On me demande davantage de
précisions sur l’endroit où ont lieux nos transactions habituelles, je reste
vague : « oh ben ça dépend… ici ou là, en fonction d’où je suis et
d’où il est au moment où on est en contact ». « Tu sais s’il utilise d’autres numéros de téléphone ? »
Oui, je le sais. « Je me suis fait volé mon téléphonedernièrement, j’ai par conséquent perdu tous mes numéros. C’est lui qui m’a
recontacté donc j’en sais trop rien. » Puis des questions sur sa
voiture « Je suis nul dans tout ce
qui touche aux. Je ne saurai distinguer une Twingo d’une Smart, alors vous
savez… J’crois juste me souvenir qu’elle était verte, le peu de fois où je
l’ai vue». Enfin bref.
L’interrogatoire a duré une
bonne vingtaine de minutes, c’était très rapide. On m’a posé tout un tas de
questions sur l’endroit où j’habitais, des questions qui m’ont tout de même
plus ou moins dérangées.
L’ennui quand tu ressors d’une
entrevue comme celle-là, c’est vraiment la sale impression d’être un enfoiré de
traître. Car même si tu sais que t’as pas tout balancé comme un enfoiré de
collabo, tu sais que ton témoignage ne fera que probablement rajouter des
problèmes à un mec qui, au fond, n’est pas méchant…
Tu n'as rien à te reprocher, tu as fait au mieux. Dans ce genre de situation, on est bien obligé de répondre a minima sans sortir de craques qui se retourneraient à un moment où un autre de toute façon. Et puis c'est la règle du jeu, c'est comme ça. Quand on enfreint on peut se faire serrer ...
RépondreSupprimerJ'ai vécu une situation similaire à ton âge. Avec un pote on avait passé la soirée dans un bâtiment public dont une partie venait d'être cambriolée. On n'avait rien à faire là et le gars qui nous avait emmené était soupçonné. Avec mon pote on a dû se présenter au commissariat le lendemain. Interrogés chacun dans un bureau différent. On en est ressortis vraiment remués par les techniques d'interrogatoire...
Non c'est clair, au fond il est pas méchant.Toi non plus d'ailleurs.
RépondreSupprimerSon herbe est bio et poussée dans son jardin à la campagne.
C'est pas du tout un gars qui revend des drogues en provenance de pays où les droits de l'homme sont bafoués, où des tyrannies se financent avec ce genre de trafic , son argent (donc le tiens et celui de tes super gentil amis bisounours) ne repart pas chez un grossiste qui lui même le reverse à un trafiquant qui se fournit lui auprés de mafieux (au mieux) ou de réseaux important drogues, esclaves ,faux billets, putes etc..
Non tu as raison dans cette histoire, personne n'est méchant et les flics dans le fond, perdent leur temps.
Peace and love quoi.
Absolument :)
Supprimer