#131 Convoqué au Commissariat


« Bonjour Monsieur, commissariat du   ème arrondissement à Paris, je vous appelle dans le cadre d’une affaire de trafic de stupéfiants, votre numéro de téléphone ressort de nos investigations. Si vous pouviez nous rappeler rapidement. Merci monsieur, au revoir. »

MARTIN BUREAU - AFP 
Je sais pas vous mais perso, recevoir ce genre de message vocal sur ma messagerie, ça a le don de m’angoisser légèrement. Dans ces moments là, c’est marrant de constater à quel point le temps peut s’arrêter. Pendant que j’écoutais cette grosse voix virile me débiter ces quelques mots, tout défilait dans ma tête. C’est comme si j’avais passé au crible tous mes faits et gestes de ces trois dernières années en à peine quelques secondes. J’ai rapidement réalisé qu’il ne pouvait s’agir que d’une seule chose, après tout, je ne suis pas impliqué dans 50 affaires illégales, c'est simple : mon dealer a du se faire serrer.

La panique monte soudainement. Comment, moi, gentil petit étudiant à qui on accorderait le bon Dieu sans confession, je me retrouve à avoir un message sur ma boite vocal d’un flic me demandant de me rendre au comico pour une « affaire de trafics de stupéfiants » ? Ça paraît presque incroyable. Mon premier reflex est d’appeler Camille, une amie proche qui se fournit également auprès de mon dealer.

-       Ouais, dis-moi, t’as pas reçu un appel chelou ?
-       Si, si… Je t’ai envoyé un message sur Facebook. 

Camille est aussi convoquée au commissariat. Cette fois, le doute n’est plus possible, notre dealer s’est tout simplement fait péter par les keufs. Après avoir raccroché avec Camille, qui n’aura pas manqué de me rassurer quant à la suite des évènements, je me décide à rappeler le commissariat. J’ai rendez-vous à 14h30.
Une fois là-bas, je passe la porte d’entrée qui mène dans un sas de sécurité avec une porte blindée. Devant moi se tient un jeune lascar qui me regarde de haut. Étant complètement paumé dans ce sas de 3m2, je lui demande s’il sait comment entrer en contact avec les poulets. Il m’indique, nonchalamment, l’interphone situé à côté de la porte blindée. On nous fait alors entrer dans l’enceinte du commissariat quelques instants plus tard.

À l’intérieur, une toute petite salle, à peine plus grande qu’un salon haussmannien, ridicule pour un commissariat. Des gens parlent, des femmes cherchent leurs sacs à main de façon à pouvoir partir, d’autres fument leurs clopes dans une espèce de petite cour et les écrasent dans des cendriers trop pleins, quand d’autres encore, en tenue de civil, se préparent à partir en week end. J’observe tout ce petit monde vivre sous mes yeux. J'entends qu'une maîtresse s'est fait agresser par une parent d'élève (ça n'arrive pas que dans les films en fait) et qu'on prépare le lascar que j'ai vu dans le sas à passer une série de test. Quand soudain, une des fumeuses revient de la cour intérieure et m’adresse un « Monsieur, vous venez avec moi ?! », à mi-chemin entre l’ordre et l’interro… et l’ordre en fait.

Passé la porte « interdit au pubic », je constate que les bureaux sont nombreux et les employés aussi. Une quarantaine de policiers, au moins. Au moment de pénétrer dans ce que j’appelle la salle d’interrogatoire (il ne s’agit en fait que d’un bureau, deux dans le cas présent, avec une fenêtre, des ordinateurs et des collègues allant et venant), je constate que Camille est aussi présente dans le bureau. On fait semblant de ne pas se connaître. J’entends ses réponses aux questions, elle entend les miennes.

L’interrogatoire commence. Pour vous faire une idée, l’ambiance, c’est une ambiance 100% Polisse pour ceux qu’ont vu le film. Tant au niveau du décor que des flics d’ailleurs. La flic, environ la trentaine, voix grave de fumeuse, cheveux longs bruns avec un petit piercing diams au nez, commence avec des questions portant sur ma consommation personnelle : « depuis combien de temps tu fumes ? À quelle fréquence ? Tu te considères comme étant dépendant ? Qu’est-ce que tu fumes ?... » Puis petit à petit les questions dérivent vers le principal intéressé « tu te fournis auprès de qui ? C’est toi qui le contact ou c’est lui ? Tu lui prends quoi ? Tu te fournis qu’avec lui ou avec d’autres mecs ? »

Plus les questions défilent, plus on me demande d’être précis.
« Est-ce que t’as déjà branché tes potes avec lui ? » Oui, Camille, qui était présente dans votre bureau il y a à peine 5 minutes et que j’ai déclaré ne pas connaître il y a  2 minutes. Je ne pouvais pas dire ça, ça allait remettre en cause tout mon témoignage et j’avais déjà bien d’autres choses à faire. Alors, « non ». On me sort une planche avec plusieurs photos, il apparaît sur l’une des six. Je montre celle où il apparaît, la numéro cinq, avec la terrible sensation d’être le plus gros vendu de la terre.

On me demande davantage de précisions sur l’endroit où ont lieux nos transactions habituelles, je reste vague : « oh ben ça dépend… ici ou là, en fonction d’où je suis et d’où il est au moment où on est en contact ». « Tu sais s’il utilise d’autres numéros de téléphone ? »

Oui, je le sais. « Je me suis fait volé mon téléphonedernièrement, j’ai par conséquent perdu tous mes numéros. C’est lui qui m’a recontacté donc j’en sais trop rien. » Puis des questions sur sa voiture « Je suis nul dans tout ce qui touche aux. Je ne saurai distinguer une Twingo d’une Smart, alors vous savez… J’crois juste me souvenir qu’elle était verte, le peu de fois où je l’ai vue». Enfin bref.

L’interrogatoire a duré une bonne vingtaine de minutes, c’était très rapide. On m’a posé tout un tas de questions sur l’endroit où j’habitais, des questions qui m’ont tout de même plus ou moins dérangées.

L’ennui quand tu ressors d’une entrevue comme celle-là, c’est vraiment la sale impression d’être un enfoiré de traître. Car même si tu sais que t’as pas tout balancé comme un enfoiré de collabo, tu sais que ton témoignage ne fera que probablement rajouter des problèmes à un mec qui, au fond, n’est pas méchant…


Lucas Lopes

Blogueur depuis 2012. Lucas, 20 ans, suceur de bites et fumeur de joints. J'aime envisager mon écriture comme étant une forme de psychothérapie.

3 commentaires:

  1. Tu n'as rien à te reprocher, tu as fait au mieux. Dans ce genre de situation, on est bien obligé de répondre a minima sans sortir de craques qui se retourneraient à un moment où un autre de toute façon. Et puis c'est la règle du jeu, c'est comme ça. Quand on enfreint on peut se faire serrer ...
    J'ai vécu une situation similaire à ton âge. Avec un pote on avait passé la soirée dans un bâtiment public dont une partie venait d'être cambriolée. On n'avait rien à faire là et le gars qui nous avait emmené était soupçonné. Avec mon pote on a dû se présenter au commissariat le lendemain. Interrogés chacun dans un bureau différent. On en est ressortis vraiment remués par les techniques d'interrogatoire...

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  2. Non c'est clair, au fond il est pas méchant.Toi non plus d'ailleurs.
    Son herbe est bio et poussée dans son jardin à la campagne.
    C'est pas du tout un gars qui revend des drogues en provenance de pays où les droits de l'homme sont bafoués, où des tyrannies se financent avec ce genre de trafic , son argent (donc le tiens et celui de tes super gentil amis bisounours) ne repart pas chez un grossiste qui lui même le reverse à un trafiquant qui se fournit lui auprés de mafieux (au mieux) ou de réseaux important drogues, esclaves ,faux billets, putes etc..
    Non tu as raison dans cette histoire, personne n'est méchant et les flics dans le fond, perdent leur temps.
    Peace and love quoi.

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