#97 Un autre mec de Grindr

Je reviens tout juste de chez un mec rencontré via Grindr.

On s'était déjà parlé il y a quelques mois. Il a 19 ans, fume et c'était à peu près les seules choses dont je me souvenais de lui au moment où il est revenu vers moi. Assez mignon mais a priori pas mon type de mec habituel, un peu style Luke Pasqualino dans Skins. Nous nous sommes reparlé il y a un peu plus de dix jours. On s'est échangé nos snapchats respectifs et les conversations se poursuivaient tantôt par messages, tantôt par selfies. Au fur et à mesure des échanges, j'ai appris qu'il était brésilien, bisexuel mais n'avait jamais eu de relation sérieuse avec un mec (voire de relation tout court), et j'ai cru sentir qu'il pouvait être assez cool à fréquenter. 

Nous avions décidé de nous rencontrer aujourd'hui. J'avais décelé au fil de nos discussions qu'il devait être riche, très riche. Je ne me suis pas trompé. Il est revenu ce matin de Madrid où ses parents ont loués un appartement (en bas duquel se situe un bar doré avec un mec qui joue du piano), ces derniers vont faire une petite escale au Brésil (leur pays d'origine) avant de revenir sur Paris. Il m'a donné rendez-vous à Opéra, sans trop savoir ce qu'on allait faire. 

13h  Opéra

Premier détail qui attire mon attention, il me tend la main pour me dire bonjour. Je parlais du fait de se serrer la main lors d'une première rencontre dans un ancien post, mais là j'avoue que je ne m'y attendais pas du tout, je ne suis plus habitué. Il me tend la main, il est grand et je me rend compte qu'effectivement, ce n'est absolument pas mon genre de mec. Un peu hipster, casquette à l'envers, petite veste fine en toile Zara, t-shirt à fleur en dessous, pantalon noir et chaussures noires, basiques. Moi à côté en chemise grise foncée et slim marron, ça devait être drôle à voir. 
"Salut gros ! Ça va ou quoi ? "
Étant un style de langage que j'ai l'habitude d'employer, c'est pas un soucis. Je pense que ça ne doit pas être le genre à me regarder de travers si jamais je dis "péter" ou même "lâcher une caisse" au lieu de "flatuler". J'aime bien les gens qui ne se prennent pas la tête pour parler et qui ne ressentent pas le besoin de prouver une prétendue supériorité intellectuelle en fonction des mots qu'ils choisissent d'employer. Et qu'on ne me sorte pas ces conneries de banlieue ou quoi, la preuve le mec parle comme un lascar alors que c'est un parisien de pure souche. Bref, je m'écarte. 

On arrive chez lui, le bâtiment se situe dans une cour assez reculée d'Opéra et l'appartement  est typiquement Parisien. Grand, grand, grand et encore grand. Il y a même un atelier avec des peintures inachevées à l'intérieur, son père est peintre. J'ai toujours un peu de mal avec les gens issus d'un milieu plus aisé que le mien, l'argent me met mal à l'aise. Je sais que réduire quelqu'un à son argent (qu'on soit profiteur ou non) n'est pas une bonne chose, mais j'ai encore du mal à être à l'aise avec un riche. Il m'invite dans la cuisine et mange le cordon bleu qu'il venait de se faire cuire. On parle, la maîtrise de son langage "ghetto" m'impressionne et m'amuse. Une fois fini, il m'amène dans sa chambre et roule un joint. 

Très belle chambre, sur le mur de gauche, des centaines de photos de lui et ses amies (il n'a pratiquement aucun ami mec) collées au mur, sur le mur de droite, des "souvenirs" comme il les appelle, des dessins, des places de concert, flyers d'expos, de soirées, des pochettes d'album, des affiches, bref, un peu tout et n'importe-quoi. La chambre est cool. Le bedo passe, on parle de futilités, évitant les sujets trop sérieux. 

Je ne sais jamais quoi faire lors d'une première rencontre où le bail n'a pas été annoncé dès le départ. Ce qui est assez paradoxal quand on sait que si je suis sur de coucher avec un mec avant de le voir, ça a tendance à me refroidir. Du coup, ça me perturbe un peu. Je sais pas ce que l'autre attends, donc dans le doute je me suis dit que je ne ferai rien, ainsi je verrai si quelque-chose se manifeste. Il y a eu certains moments de flottements pendant la conversation, des légers silences, mais pas dérangeants. Je propose de rouler mon joint, sur de la musique à moi. 

Je pensais qu'on resterait ensemble jusqu'à ce soir, qu'il n'avait pas grand chose de prévu. Mais c'est sans compter sur l'appel qu'il a reçu d'une de ses amies, probablement en train de se faire chier. Je devinais ce qu'elle disait au téléphone en fonction des choses qu'il lui répondait : 

" Je suis avec un pote là [...] Non, tu connais pas. [...] Ben rien de spécial, à part rester et fumer ! [...] " Ben... Je sais pas. "
J'ai compris qu'elle voulait passer. Bon, j'ai rien contre ça dans le principe. Mais juste les mecs, quand vous décidez de rencontrer un mec pour la première fois, ne lui collez pas un(e) de vos potes quoi. Même s'il a l'air sociable, c'est jamais très cool d'être au bout milieu de deux personnes qu'on ne connait pas, au final. Il me demande si ça me dérange, mais qui suis-je pour refuser d'accueillir une amie alors qu'on est chez lui ? 

" Non, y'a pas de soucis ! "
" Ok, ben vas-y passe. " 

Sauf que quelques minutes après... 
" Par contre si elle te demande comment on s'est rencontré. Lui réponds pas par l'application. Enfin elle sait pour moi, c'est pas un soucis mais disons qu'elle aime pas trop l'appli, j'ai déjà eu deux trois bails galères avec des mecs. " 
" T'as qu'à dire que j'suis un pote de promo... Bon faut juste espérer qu'elle ne me pose aucune question en rapport avec l'histoire de l'art parce-que sinon on est grillés ! "
" Mouais... Ouais faut espérer qu'elle pose pas la question tout court ! "

Sur ces mots, je me suis dit que ça ne servait à rien de rester. Qu'il ne serait pas à l'aise, que je ne serai pas à l'aise et que l'ambiance allait être bizarre. Alors, 

" Non mais laisse tomber. Je vois bien que ça te met mal à l'aise. C'est pas grave, je vais y aller c'est mieux. " 
" Non... mais t'es pas obligé. " 
Le genre de truc qu'on dit pour ne pas passer pour un connard qui vous met dehors, je présume. 
" T'inquiète, y'a aucun soucis. "

Alors bon, disons que finalement, ça aurait pu être pire. Il m'a ensuite dit qu'il serait ravi de me revoir, même en soirée, en fonction de mes disponibilités. Il m'a raccompagné à Saint-Lazare, m'a une nouvelle fois serrée la main et m'a dit : 

" C'était un plaisir de faire ta connaissance mec ! Ça me ferait plaisir de te recapter ! "
" Ça marche ! On se tient au courant ! "
Et le monsieur est intelligent : " Ouais ! J'attends tes snaps ! "

Quand vous quittez un mec rencontré pour la première fois et que vous voulez le revoir (en prenant quand même le risque de ne pas le revoir) sans trop vous mouiller, arrangez-vous pour que ce soit lui qui doive vous re-contacter. Là, c'est ce qu'il vient de faire. 

Mais parce-qu'il est avec son amie et que mine de rien, j'ai quand même une fierté, j'attendrai ce soir pour reprendre contact. 

Lucas Lopes

Blogueur depuis 2012. Lucas, 20 ans, suceur de bites et fumeur de joints. J'aime envisager mon écriture comme étant une forme de psychothérapie.

6 commentaires:

  1. Oui pas cool le mec de dire à sa copine de venir. Encore un indécis qui ne sait pas ce qu'il veut ! Et sinon des news ?

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    1. Ne sois pas si catégorique, oui c'est pas très futé de sa part d'avoir fait ça mais c'est pas lui qui l'a appelée pour lui dire de venir :)

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  2. Juste "le soir même" pour reprendre contact ? Je te trouve gentil :-)

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    1. Tu trouves ? Je sais pas, je suis pas doué pour me faire désirer moi.

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    2. C'est dingue comme tu es un cliché prolo (enfin, surtout culturellement), et ton mec un cliché petit bourgeois…mais bon, les types clichés s'attirent entre eux…ça leur donne l'impression d'être socialement open…
      Reste que ton mec est connu puisque j'habite dans le quartier et doit raconter qu'il est un peu novice à tout le monde… ouvre les yeux cendrillon…tes drogues les ont sans doute pas encore attaqués contrairement à ce qui se trouve derrière.

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