#121 Gardez votre calme !

Je sentais que quelque-chose allait se passer cet après-midi, tout semblait beaucoup trop calme.

C'est après avoir fumé notre joint et acheté une canette d'Ice Tea, qu'il était l'heure pour Charlotte et moi de rejoindre la salle où commençait notre cours, notre prof attendait les derniers arrivants. Une grande salle, pas assez grande pour être un amphi mais de taille équivalente aux salles de permanence ou, autrement appelées, salles de repos, qu'on pouvait trouver au collège. De quoi contenir facilement 150 étudiants, bien qu'en l'occurrence, s'agissant d'un cours s'inscrivant dans un cursus particulier, nous devions être en tout et pour tout une bonne cinquantaine. 

Nous avons fait connaissance de cette prof la semaine dernière, lors du premier cours d'introduction à la matière. Petite, toute menue, apparemment très jeune (je ne lui donne pas au dessus de 25 ans) avec une toute petite voix et des lunettes… Bref l'image de la prof timide qui se ferait bouffer si elle bossait dans un lycée, aux antipodes des forces de caractères et des chieuses qu'on peut trouver au sein des autres enseignements. Le cours de la semaine dernière, sans être vraiment passionnant, s'est relativement bien passé. C'est le genre de prof qui lit ses notes (sans doute pour ne pas se perdre), parfois un peu trop vite mais qui n'hésite pas à revenir et à s'excuser dès qu'on lui demande de ralentir de rythme. 

Bref. Le cours démarre. 
Tout de suite, je me tourne et fais part de ma remarque à Marie et Charlotte : 
" - Putain… Vous la trouviez pas un peu plus réactive et concentrée la semaine dernière ? "
Et pour cause, le contenu de son cours allait dans tous les sens, elle expliquait les choses de façon superficielle, sans vraiment parvenir à nous les faire comprendre ; elle commençait des phrases qu'elle ne finissaient pas, peinait à faire des phrases grammaticalement correctes et complètes. 

À un moment, je rate une des phrases clés du cours, je lève la main et lui demande alors gentiment si elle peut la reprendre. Sans me répondre directement, elle a essayé de reprendre ce qu'elle venait de dire, sans y arriver. Elle s'est mise à chercher sur ses polycopiés pour pouvoir y parvenir. Après moi, une fille détestée par une bonne partie de la promo de par son culot et sa manie de toujours se donner en spectacle pour rien, décide d'intervenir :
" - Écoutez, on comprend plus rien. Vous commencez une phrase, puis vous allez pas au bout. Rien n'est construit ! Nous on a un partiel à la fin du semestre, donc voilà faut être précis. "

Suite à cette remarque pour le moins maladroite, elle nous demande de lui donner nos adresses mails, de façon à pouvoir nous transmettre le contenu du cours. Comme si la remarque précédente ne suffisait pas et que la prof n'était pas assez déstabilisée comme ça, un autre mec de ma promo (lui est plutôt apprécié par rapport à l'autre, bien qu'il soit aussi animé par le besoin d'ouvrir sa gueule sans arrêt) décide de venir en rajouter une couche :
" - Excusez-moi mais… ça sert à quoi d'étudier le 18ème siècle ? (Déjà, on étudie pas le 18ème mais le 19ème connard) ? Ce qui compte c'est maintenant non ?

Elle a donné la feuille à faire circuler pour les adresses mails, s'est levée du siège sur lequel elle s'était assise pour la donner, et elle n'a plus parlé. Elle a marché en direction de son bureau, je regardais mon écran quand soudain : PAF, un hurlement et toute la promo en panique qui demande à l'aide, un étudiant sort de la salle et va chercher la sécurité. Elle a perdu connaissance. 

Quelques instants plus tard, on aide à la relever. Elle dit voir des tâches. Moi, resté sur mon siège car sous le choc, je la regarde et m'aperçoit que son teint d'habitude si clair vient de virer au vert. La sécurité arrive alors et nous demande d'évacuer : le cours est annulé. Suite à ça, une pote est venue nous expliquer ce qui s'était passé car, au premier rang, elle a vu la scène de A à Z. Au moment de se lever, elle a heurté un bout de table, s'est excusée, a marché en direction de son bureau, a fléchi la jambe une fois, deux fois, et est tombée sur sa valise. Face contre terre… Un peu traumatisant. 

Quand on se retrouve confronté à ce genre de situation, tout va si vite. On pense à tout et à n'importe-quoi, est-ce qu'elle va bien ? est-ce qu'elle s'est fait mal ? est-ce qu'elle est morte ? Le fait d'avoir fumé juste avant et juste après ne m'a pas aidé, bien au contraire. Peu après être sorti de la salle, nous avons croisé nos autres potes qui eux par contre avaient fini leur cours. Presque tous réunis, j'ai émis l'hypothèse de fumer un petit joint avant de rentrer. Alors on a fumé. 

On m'a raccompagné en voiture à la gare. J'ai tout de suite attrapé mon bus, je suis monté dedans. Et là… 

Je ne saurais décrire l'état dans lequel je me trouvais. J'avais chaud, j'avais l'image de la prof qui tombe en tête, de plus en plus chaud, je me concentrais à l'idée de ne pas transpirer pour pas paraître bizarre aux yeux des autres, sauf que plus j'y pensais, plus je transpirais ; si bien que des goutes ont fini par couler de mon visage pour venir s'éclater sur mon t-shirt. On me regardait bizarrement, j'étais mal. Puis j'ai commencé à ressentir le besoin de sortir, plus qu'un besoin, c'était nécessaire, presque vital, j'ai appuyé sur le bouton, par chance, l'arrêt était juste à côté, j'ai quitté le bus, me suis réfugié quelques minutes derrière l'arrière bus pour me calmer et m'essuyer. Puis, j'ai fait le reste du chemin à pied pour rentrer chez moi dans un mood très… très bizarre. 

Je crois que j'ai du faire un genre de bad trip. 

J'ai pas pu m'empêcher d'envoyer un mail au secrétariat pour m'assurer qu'il ne lui soit rien arrivé de grave… 

Lucas Lopes

Blogueur depuis 2012. Lucas, 20 ans, suceur de bites et fumeur de joints. J'aime envisager mon écriture comme étant une forme de psychothérapie.

3 commentaires:

  1. Elle était peut-être très fatiguée et en heurtant le bureau a ressenti une douleur vive qui a déclenché un malaise vagal. Dans ce cas c'est impressionnant mais anodin.

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    1. Je ne savais pas que ça s'appelait comme ça !
      Effectivement, il s'agissait peut-être d'un malaise vagal, je viens d'aller me renseigner et ça colle pas mal

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  2. Faut éviter le joint avant les cours, cela t'aurait évité tout cela ;)

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